– Amaury tu nous avais gentiment accordé une interview durant l’été 2020, au cours de laquelle tu nous disais avoir démarré une grosse campagne de reconditionnement et de dons d’ordinateurs. Veux-tu nous dire où tu en es aujourd’hui ?
Bonjour Yves.
Je continue ce que j’ai commencé en 2020. Je récupère essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, du matériel de sociétés. Le dernier lot récupéré, provient de la Croix Rouge de Belgique. C’est un beau lot d’ordinateurs portables. Merci à eux. Je reconditionne pour effectuer des dons. Je vise les collectifs, les associations, les écoles et les familles dans le besoins. Jusqu’à présent, les machines partent à des Administrations Communales qui les redistribuent via leur CPAS (Centre Public d’Action Sociale) et à des familles dans le besoin. J’ai voulu rejoindre le collectif Emmabuntüs notamment et surtout pour la partie reconditionnement et dons. Et bien, c’est précisément ce que j’essaie de faire.
Don de portables par le Croix-Rouge de Belgique
– Tu es très actif dans ce fameux projet de clé de réemploi et tu as fais un nombre impressionnant de vidéos pour le soutenir. Veux-tu nous en parler un peu ici ?
NON ! 😉
Bien sur que si 😉
Le projet clé USB de réemploi est vraiment un projet qui me tient à cœur, et sur lequel j’aime communiquer. Il n’y a pas de secret, quand les bons ingrédients sont réunis au bon moment, tout ne peut qu’aller bien. Bonnes personnes, bonnes idées, bonnes communications, c’est motivant et donc on s’investit.
Mais ce qui fait aussi que je m’y investisse autant, c’est qu’en plus de bien fonctionner ce projet a une réelle utilité ! Et je peux même dire qu’il fonctionne très bien, sans vouloir être ni arrogant ni prétentieux !
Cette clé, je l’ai utilisée sur de nombreuses marques et modèles d’ordinateurs. Anciens, moins anciens, récents et très récents. Maintenant, nous savons que rien n’est parfais. Il y aura toujours une machine qui se chargera de vous le rappeler. Mais c’est très rare. Je l’utilise toujours, et je pense que tant que je serai dans le reconditionnement de matériels informatiques, je continuerai à utiliser cette clé.
Pour parler des vidéos, il ne faut pas oublier qu’au départ, je me suis fait justement « remarquer » grâce à mon parti pris éditorial : parler des systèmes et des logiciels libres, et vulgariser toutes les explications pour que les personnes se disent… OK, avec les explications de Blabla Linux, je peux y arriver moi aussi 😉
Je me vois comme une petite porte d’entrée vers le grand monde du libre. Je mets en quelque sorte le pied des gens à l’étrier. Ensuite, les personnes peuvent se diriger vers du contenu plus technique, et continuer d’évoluer de leur côté, même si parfois je peux moi aussi publier du contenu technique.
Le clone spécial Ukraine d’Emmabuntüs, le voici !
– Tu as aussi préparé beaucoup de clones officiels ou non. As-tu eu une grosse demande à ce sujet quand tu prenais les commandes pour les clé de réemploi ?
Oui. Levons le voile sur les coulisses;)
Les termes « officiel » et « non-officiel » viennent de moi (à force d’utiliser ses termes en vidéos!) Officiel pour les clones Emmabuntüs et Debian-Facile, et non-officiel pour les autres;)
Tous les clones officiels au standard BE sont créés par moi-même, tandis que le restant des clones officiels le sont par Patrick. Les clones officiels spéciaux comme celui pour la journée Jerry Valentin et le superbe clone spécial Ukraine ont été créés par moi-même, mais avec l’aide de Patrick.
Le nom de notre compagne est « Campagne de réemploi Emmabuntüs Debian-Facile ». Ce sont les deux acteurs majeurs, et pour notre clé USB de réemploi, nous fournissons donc des clones d’Emmabuntüs et de Debian-Facile. Nous vendons également des clés USB au prix coûtant avec des clones d’Emmabuntüs et de Debian-Facile.
Quand on avance quelque chose, les personnes aiment bien voir !
Dans mes vidéos je disais qu’au départ, la technique de la clé USB avait été développée par Emmabuntüs, et pour Emmabuntüs seulement. Que nous avions libéré la technique pour la rendre publique, et qu’elle pouvait être utilisée non seulement avec des clones Emmabuntüs et Debian-Facile, mais aussi avec d’autres systèmes, à partir du moment où l’on avait les clones bien entendu;)
Étant connu pour être un utilisateur exclusivement de distributions basées sur Debian, Ubuntu et Mint, ce dernier étant le système que j’utilise au quotidien, j’ai commencé à créer des clones de Linux Mint, Linux Mint Debian Edition, d’Ubuntu et de toutes ses variantes officielles.
Emmabuntüs est content de voir des reconditionnements, peu importe le système libre utilisé. Mais je ne voulais pas que la technique soit seulement utilisée avec les nouveaux clones que j’avais créés.
C’est pourquoi chez Emmabuntüs, on ne parle pas de ces clones « non-officiels » et on ne les stocke pas, mais ils existent, et vous pouvez les trouvez sur les espaces de stockage Blabla Linux.
De même, si vous passez commande d’une clé USB de réemploi, en plus des clones « officiels », vous pouvez demander des clones « non-officiels » à la personne qui s’occupe de votre commande. Et cela tombe bien, cette personne c’est moi;) De toutes façon, à chaque commande, je le propose. Et j’explique bien aux personnes que je crée la clé comme elles le souhaitent.
On ne ma jamais demandé une clé USB de réemploi sans clones Emmabuntüs ni Debian-Facile. Par contre, souvent on me demande si je peux ajouter les clones de Linux Mint Debian Edition (base Debian) ou de Linux Mint (base Ubuntu). Je n’ai pas encore vendu de clé avec des clones Ubuntu et ses variantes officielles. Par contre, je sais qu’ils sont utilisés par des personnes qui ont créé la clé USB de réemploi par elles-mêmes. Elles m’ont contacté pour obtenir le liens d’hébergement de ces clones, mais aussi pour me faire des retours sur le fonctionnement de la clé. Ce que je n’ai pas, par contre, ce sont des retours d’utilisation sur les clés vendues. Je pourrais demander, mais je trouve que cela devrait être fait automatiquement par les personnes !
– Tu viens de démarrer un nouveau projet de portables solidaires pour les réfugiés ukrainiens dans la ville de Ciney. Dans quelles circonstances a-t-il été initié ?
Oui, très beau projet ! Comment pourrait-il ne pas l’être;) Faire plaisir à notre échelle à des personnes qui viennent de quitter un pays en guerre ! Ce projet a directement prit la bonne direction. C’est important de démarrer sur de bonnes bases, en mettant toutes les chances de son côté.
La commune de Ciney où je réside, en Belgique, accueille des réfugiés Ukrainiens. Cent-vingt personnes jusqu’à maintenant.
Don par Amaury du portable pilote à Marina
et des portables à Coline pour les réfugiés ukrainiens de la ville de Ciney
J’ai pris contact, en me rendant sur place, avec Madame Coline Dubois qui est la chargée de Communication pour la Ville de Ciney. Le projet de don a été très bien accueilli. Au fil de la discussion, Coline m’explique que l’Administration fait appel à des traductrices. Ce sont des personnes d’origine ukrainienne, et qui vivent en Belgique depuis maintenant de nombreuse années. Moi, j’ai eu l’honneur d’être mis en relation et de travailler avec Marina, une dame qui vit en Belgique depuis presque 15 ans, qui est mariée avec un monsieur de nationalité belge. Et de ce mariage sont nés deux enfants.
Un projet mené à trois. Pardon, mené à quatre ! Coline de l’Administration qui a géré les demandes et les remises en mains propres des machines. Marina la traductrice qui a joué le rôle d’intermédiaire avec les personnes réfugiées, moi-même pour la création du clone Emmabuntüs spécial Ukraine et l’installation sur les machines, et Natacha, ma compagne, qui a œuvré à la conception des stickers de clavier autocollants et au nettoyage des machines.
Concrètement, nous avons donné à Marina un ordinateur portable pilote avec lequel elle a pu s’amuser pendant une semaine. A la fin de sa découverte, Marina nous a dit : « c’est génial, je ne vois pas ce que l’on pourrait faire de plus ». Nous savions que nous tenions le bon bout, comme on dit;) Malgré cela, nous avons attendu avant de produire les autres machines. Et nous avons bien fait. Grâce à Marina, nous avons pu apporter des modifications au système. Ensuite nous avons produit dix autres machines, maintenance complète, nettoyage, installation du système par clonage automatique grâce à la clé USB de réemploi, et enfin les découpes et les poses des stickers de touche autocollants.
J’ai ensuite remis les machines à Coline, qui à son tour les a remis en mains propres à chacun des bénéficiaires. Un groupe WhatsApp existe pour les échanges entre les réfugiés ukrainiens, l’Administration Communale et la traductrice. J’ai pu obtenir une capture d’écran avec les premiers retours. Les personnes étaient ravies.
– Ta compagne Natacha a déjà participé à tes projets tels que le Jerry Roulette et les portables donnés aux enfants l’année dernière. Cette année elle s’est beaucoup plus impliquée sur le projet des portables solidaires. Pourrais-tu s’il te plaît lui laisser la parole ?
Natacha bonjour, peux-tu nous dire ici qu’elles ont été tes motivations pour participer ce beau projet, et ce que tu as pu y réaliser?
Alors, pour ma part je suis fan de déco et de récup. Je n’aime pas quand on jette ! Je récupère et je donne une seconde vie aux objets ou meubles. Je réalise des stickers avec ma machine Silhouette Cameo depuis quelques années donc c’est tout naturellement que j’ai réalisé à la demande d’Amaury des petits stickers pour le Jerry, chose que j’ai adoré faire. Pour les dons de portables pour les enfants c’est moi qui ai suggéré à Amaury de leur faire des stickers de ‘covering’ en fonction de ce qu’ils aimaient. Les enfants étaient tous contents. Pour les dons de portables pour les réfugiés, quand Amaury m’en a parlé, j’ai trouvé ça très chouette. Ces gens sont arrivés chez nous cassés par ce qu’ils ont vécu chez eux et pouvoir leur faire plaisir, nous faisait plaisir également. Je me suis mise en recherche d’images de claviers cyrilliques, langue commune de russe et d’ukrainien pour la vectorisation . Et grâce à Marina, la traductrice ukrainienne, on a remarqué qu’il manquait 4 lettres spécifiques à l’alphabet ukrainien. J’ai rajouté ces 4 lettres et j’ai pu vectoriser, découper et coller toutes ces lettres sur les claviers des portables. Je suis contente de mon travail et ravie que cela plaise vraiment.
Réalisation et collage des touches cyrillique sur le portable pilote ukrainien par Natacha
– Natacha nous savons que tu n’aimes pas trop te mettre en avant, et que penses-tu du rôle des femmes dans le logiciel, qui a été historiquement très important puisque c’est une femme qui a réalisé le premier véritable programme informatique * ?
Chose que je ne savais pas ! Cette dame a su se faire une place, il y a plus de cent ans en arrière. On l’a écoutée, aidée, et elle était appréciée. Malheureusement, elle est décédée trop tôt et avec elle sans doute de nombreuses idées qu’elle aurait encore pu nous faire découvrir . Il aura fallu longtemps pour que son travail soit reconnu et que l’on parle d’elle. Dans le monde actuel, beaucoup de femmes sont méritantes de par leur profession ou pas, comme par exemple mère au foyer qui pour moi est une profession à temps plus que plein. Mais, il y a toujours ces discriminations qui à l’heure actuelle ne devraient même plus exister.
Amaury, as-tu dans tes cartons d’autres projets de réemploi ou bien d’autres idées d’implication dans le logiciel libre ?
Dans l’immédiat, continuer à fournir à l’Administration Communale de Ciney des laptops adaptés aux personnes réfugiées ukrainiennes. Je viens d’être contacté par Madame Coline pour voir si je pouvais encore réaliser le même travail en fournissant de nouveau cinq ordinateurs portables.
Ensuite, j’effectuerai des dons à des personnes autres que des réfugiées. S’il reste encore des machines 😉
Cela me fait penser que je dois relancer une publication de demande de matériels. Car si je peux faire plaisir avec de telles actions au nom du collectif Emmabuntüs, c’est grâce à des généreux donateurs comme la Croix Rouge de Belgique ou comme la société Vinci Construction de Roubaix en France.
Bien entendu, le plus intéressant pour moi est d’obtenir des dons de la part de sociétés, et surtout d’essayer de fidéliser les donateurs. Mais tous les dons sont acceptés. Je pense notamment aux dons en provenance de particuliers.
J’ai simplement fixé une limite concernant l’âge des machines que je récupère et donc que je donne. C’est un peu au cas par cas selon le matériel, mais pour faire simple, je récupère les machines depuis 2010 jusque maintenant, et exceptionnellement je peux en récupérer certaines à partir de 2008.
De toute façon je veux continuer à faire des dons. J’aimerais qu’à force d’effectuer ce genre d’action, Emmabuntüs commence à prendre une place dans les esprits, ici dans ma commune en Belgique, et plus loin encore, pourquoi pas ?
Plus tard j’aimerais mettre en place un partenariat avec les Centres publics d’action sociale (CPAS) de différentes communes. Car s’il y a bien une chose qui me préoccupe beaucoup, c’est d’effectuer les dons aux personnes qui en ont réellement besoin. Et quoi de mieux que de passer par des organismes qui sont en contact direct avec des familles dans le besoin ?
J’aimerais organiser des journées découvertes systèmes et logiciels libres avec une partie dédiée au système Emmabuntüs, avec bien entendu sa clé USB de réemploi. Mais je sais très bien l’énergie et le temps qu’il va falloir déployer. Et les contacts qu’il va falloir prendre. J’ai ça en tête depuis un moment, on verra.
De toute façon, vous continuerez à me voir effectuer des dons pour Emmabuntüs, et vous continuerez à m’entendre parler et à me voir présenter des choses sympas (j’espère) au travers de Blabla Linux.
Note : Ada Lovelace, la première codeuse de l’histoire de l’humanité a créé le 1er programme informatique de l’humanité en 1843 afin de calculer les nombres de Bernoulli. Elle est assez connue dans les pays anglo-saxons et en Allemagne, notamment dans les milieux féministes ; elle est moins connue en France, mais de nombreux développeurs connaissent le langage Ada, nommé en son honneur. Une journée lui est consacrée pour symboliser les femmes en sciences dans le monde anglo-saxon, et il se nomme Ada Lovelace Day.