Interview de Carl Andersen

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Bonjour Carl,

Nous avons commencé à échanger des messages lorsque tu t’es porté volontaire pour traduire Emmabuntüs en danois – et encore merci pour cette très bonne idée, et pour le travail que tu as fourni derrière – et maintenant j’aimerais faire plus ample connaissance avec toi.

– Dans quelle partie du Danemark habites-tu? Peux-tu le montrer sur une carte pour les gens comme moi qui sont nuls en géographie ?

J’habite dans la partie Ouest de l’île Seeland, dans une ville de 3000 habitants appelée Vemmelev, et situé pas très loin de la mer.

By Perry-Castañeda Library Map Collection (this map is from CIA)
http://www.lib.utexas.edu/maps/europe/denmark_rel99.jpg, Public Domain,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=804507

– Dans quelles circonstances et depuis combien de temps as-tu commencé à utiliser une distribution libre GNU/Linux ?

J’ai commencé à utiliser les ordinateurs sur le tard. Je ne voyait pas l’intérêt d’en avoir un. Mais en 1996 j’ai acheté ma première machine et j’ai trouvé ça fascinant. Mais il y avait un problème. C’était sous Windows 95, et je n’avais pas le budget pour acheter Photoshop, Coral Draw, etc…

Mais en février 1999 est arrivé un CD contenant Red Hat 5.2 sur un CD inclus dans un magazine danois d’informatique. J’ai installé un plus grand disque sur mon ordinateur Olivetti et j’ai installé Red Hat en ‘dual boot’ avec Windows 95. Et là je pouvais avoir tous les programmes que je voulais sans avoir à débourser un sou. À cette époque il n’y avait pas encore beaucoup de programmes pour le traitement d’image etc. mais cela me suffisait largement. J’ai été emballé sur le champ. En mars 1999 j’ai supprimé Windows et installé OpenSuse 6.0. Et depuis je n’ai plus utilisé que des distributions basées sur Linux.

– La traduction est souvent indispensable pour une distribution, mais ce n’est pas un travail très palpitant. Comment en es-tu arrivé à faire ce genre de travail pour le monde du logiciel libre ?

Cela a commencé pour moi en 2006 à cause de WordPress. À ce moment là, peu de personnes l’utilisaient au Danemark. Il y avait un site en anglais où l’on pouvait apprendre beaucoup de choses à propos de WordPress. Ils avaient aussi un forum appelé « simple-press ». Dans mon jeune âge, j’avais appris un peu d’anglais à l’école, et j’ai utilisé mon anglais rudimentaire quand j’étais soldat des Nations Unies. J’ai toujours lu beaucoup de livres en anglais, mais je n’ai jamais été très bon à l’oral. On peut dire que je suis un autodidacte en ce qui concerne l’anglais.

On m’a autorisé à traduire « simple-press » en danois dans une subdivision, et je l’ai fait pendant deux années. Au bout de deux ans, un forum en danois a été démarré au Danemark et j’ai arrêté ces traductions. Mais depuis j’ai quand même traduit pas mal d’extensions et de thèmes dans WordPress.

– Quand as-tu rencontré Emmabuntüs pour la première fois ?

Cela s’est fait au printemps 2017, et je l’ai toujours utilisée depuis, en parallèle avec d’autres distributions Linux que j’utilise sur mes ordinateurs.

– Je crois comprendre que tu es maintenant à la retraite, mais voudrais-tu nous parler un peu de tes activités professionnelles,, et si tu veux remonter plus loin, nous parler de ton parcours scolaire ?

Je vais commencer par ma scolarité: j’avais horreur de l’école et donc en 1969, au bout de sept ans, je suis sorti du système éducatif. J’étais âgé de 14 ans à l’époque.

Après cela, j’ai travaillé pendant quatre ans dans une fabrique de fils et câbles pour l’industrie électrique.

À 18 ans, j’ai choisi de m’enrôler dans l’armée où j’ai été assigné à un escadron de tanks pendant quatre ans et demi. J’ai fini ma carrière militaire comme commandant de tank.

Après cela, j’ai eu plusieurs métiers, dont celui de paveur. J’aimais beaucoup ce travail, mais c’était difficile car il fallait travailler pendant les week-ends et pendant les fêtes.

C’est alors que j’ai rencontré mon épouse actuelle, et en 1981 j’ai postulé auprès des Chemins de fer danois, qui m’ont formé pour opérer une machine à poser les voies, et à faire des soudages par aluminothermie.

En 1990 mon dos n’a plus voulu supporter la charge. J’ai dû subir deux interventions chirurgicales, et après cela je n’ai plus pu travailler. Donc, en avril 1992, je suis parti avec une retraite pleine des Chemins de fer danois. C’est l’équivalent d’une carrière de 37 ans, une très bonne retraite en effet.

– Est-ce-qu’en tant que missionnaire du Libre tu te retrouves isolé au Danemark, ou bien es-tu membre d’une large communauté qui promeut ce concept ?

Au tout début j’étais vraiment tout seul. Mais à partir de 2001, et pendant plusieurs années, j’ai pris part à des réunions à Copenhague, nommées ‘Linux conference’, pendant lesquelles des intervenants venant du monde entier nous parlaient de Linux et de BSD.

En 2004, un groupe Linux a démarré à l’université de Roskilde, où nous nous rencontrions une fois par semaine pour échanger nos expériences sur Linux et aider les gens à l’installer sur leurs machines. J’y suis resté très actif pendant quatre ans.

Mais tous ces voyages ont fini par peser sur mon budget, et en 2008 j’ai rejoint un forum danois nommé LinuxIN pour aider les gens à utiliser Linux, et faire des vidéos de promotion pour Linux. J’y trouve aussi moi-même de l’aide de temps en temps : on ne peut pas tout savoir sur Linux 🙂

Ma femme et ma fille utilisent aussi Linux, et elles le font depuis 2005. Le reste de mon cercle d’amis n’est pas intéressé à essayer Linux, même si je leur parle de tous les bénéfices que l’on peut en retirer. Il n’y a qu’un neveu que j’ai pu aider, il y a deux ans, à installer Linux sur son ordinateur et qui continue à s’en servir.

Au Danemark, 1% de la population utilise Linux, alors que le ratio mondial est de 1,5%. Il y a tellement d’avantages à utiliser Linux, mais tous ces gens ont évidemment beaucoup de difficultés à les voir.

– Tu viens de publier une entrée dans Wikipédia en danois au sujet d’ Emmabuntüs, ce qui est formidable, mais il ne semble pas y avoir beaucoup d’entrées en danois pour ce qui concerne le logiciel libre en général. Est-ce que les geeks danois préfèrent lire des articles en anglais plutôt que dans leur langue maternelle ?

Il n’y a pas beaucoup d’articles en danois pour les fanas d’informatique. Si tu veux savoir quelque chose sur Linux, alors il te faut lire des articles en anglais. Nous devons affronter le fait que, de nos jours, presque tout le savoir est écrit en anglais.

– Mais qu’est-ce-qui a déclenché ton envie (sympathique) de traduire Emmabuntüs en danois ?

En fait je l’aime beaucoup, à la fois pour son bureau et pour la façon dont il a été conçu. En conséquence, je pense que les Danois utilisateurs de Linux doivent avoir la possibilité d’utiliser Emmabuntüs dans leur propre langue.

– Quelles sont les parties d’ Emmabuntüs que tu trouves particulièrement intéressante, comparées aux autres distribution Linux que tu connais et utilises ?

C’est le Dock. Grâce à lui on a un accès rapide à tous les programmes et il est visuellement attrayant. Le fait qu’on puisse aussi installer cette distribution sans avoir besoin d’un accès internet est aussi très agréable.

– Utilises-tu d’autres distributions, à côté d’ Emmabuntüs ?

Mais oui, mon bureau ressemble à ceci : sur mon vieux PC j’utilise Emmabuntüs, et PCLinuxOS sur mon PC récent. J’ai aussi deux portables. Un qui tourne sous Linux Lite, et l’autre me sert à faire des expériences avec d’autres distributions Linux. Juste en ce moment je teste Pop!_OS

– Trouves-tu qu’il y a trop de distributions à notre disposition ?

Non, il n’y en a pas trop. Il faut qu’il y ait un choix possible pour tout un chacun.
La raison pour laquelle il y a autant de distributions Linux, est que Linux, à l’opposé de Windows ou MacOS, ne comble pas tous les désirs des gens utilisant ce système.

Linux est le noyau, ou le cœur du système avec une architecture modulaire construite autour de lui. Le concept même de Linux est de pouvoir le personnaliser au goût de chaque client pour le rendre aussi productif que possible. C’est exactement pour cela qu’il y a des tonnes de distros là dehors !

Carl an train d’installer Arch dans sa caverne.